Fiction française : le défi de l’écriture et du développement
Rapport de la mission Chevalier sur la fiction française , mars 2011, réalisé par Pierre Chevalier, Sylvie Pialat et Franck Philippon.
Extrait, page 15 :
« La phase d’écriture est balisée par un nombre excessif de réunions, de relectures entre scénariste/producteur et diffuseur. Pour chacune d’elles, les textes passent entre plusieurs mains, aux différents niveaux de décision. La multiplication des allers-retours entre ces différents responsables (lecteurs, chargés de programme, directeur de la fiction, direction des programmes…) souvent pléthoriques, qui peuvent avoir des visions opposées ou même changer en cours de route, est préjudiciable pour l’identité des projets. Le turnover permanent de certaines équipes — celles du service public notamment — a ainsi été régulièrement pointé du doigt lors des auditions par les professionnels. Certains racontent ainsi qu’après avoir dû faire, à contre coeur, des modifications sur leur texte à la demande d’un conseiller de programme, ils avaient vu finalement leur projet refusé par la chaîne, au nom de ces mêmes modifications – le conseiller ayant été remplacé entre-temps. » (…) à partir de la 3e version de scénario, nous le savons tous, il ne s’agit plus tant d’améliorer un texte que de temporiser face à la décision cruciale de mise en production, qui incombe au diffuseur. Le doute s’instille dans les esprits ; commence alors cette période noire où les scénaristes rabotent — sabotent ? — ce qu’ils ont mis des mois à écrire… ».
OPCA Cinéma 2015
Observatoire Permanent des Contrats de l’Audiovisuel de la SACD (OPCA), Cinéma, 2015
Page 2 :
Moins de 3% des auteurs peuvent espérer une couverture effective de leur à-valoir sur les seules entrées en salles.
OPCA Fiction TV 2016
Observatoire Permanent des Contrats de l’Audiovisuel de la SACD (OPCA), Fiction TV, 2016
Pages 35 et 20 :
Pour les scénaristes de fictions en prises de vues réelles audiovisuelles, il faudrait que le total des exploitations internationales de programmes de fictions audiovisuelles atteigne un chiffre de 1,843 milliards d’euros pour permettre le remboursement des MG versés aux auteurs, et leur permettre de bénéficier de leur rémunération proportionnelle sur ces exploitations. Pour couvrir son MG, l’auteur doit espérer que son œuvre génère des recettes brutes a minima 18 fois supérieure à celles constatées pour la série la mieux exportée.
OPCA Animation 2018
Observatoire Permanent des Contrats de l’Audiovisuel de la SACD (OPCA), Animation, 2018
Page 50 :
Pour les scénaristes d’animation, l’OPCA indique que les auteurs ne perçoivent leur rémunération proportionnelle qu’après amortissement du MG versé par le producteur et que, en pratique, la grande majorité des auteurs ne voit jamais leur MG amorti.
L’écriture des films et séries en France
Étude CNC/SACD sur l’écriture des films et séries en France, avril 2019
Cette étude confirme que les rémunérations, versées par les producteurs aux scénaristes de cinéma et de télévision, sont des avances sur les produits des pourcentages à leur revenir au titre de l’exploitation de leurs droits. Ainsi pour les scénaristes de cinéma, il est indiqué en page 25 que « Dans la majorité des cas le MG n’est pas remboursé », et donc le producteur ne verse pas de rémunération proportionnelle.
La tentative de régler cette situation anormale par la voie collective est un échec. En page 36 nous apprenons que la faculté prévue par l’accord professionnel de 2010 de prévoir une rémunération complémentaire après amortissement n’est appliquée que pour 78% des contrats, et en page 42 que dix ans après leur sortie en salle, cette dernière n’a été effective que pour seulement 44% de ces contrats.
Rapport Berger sur une nouvelle organisation de la fiction sérielle en France
Rapport Berger sur une nouvelle organisation de la fiction sérielle en France, octobre 2019, réalisé par Alex Berger
Extrait page 40 :
« La Guilde Française des Scénaristes, évoque ainsi des pistes de réflexion :
« La loi ne qualifie de droit d’auteur que les rémunérations liées à la cession et à l’exploitation des droits des scénaristes. Cette qualification a entrainé la création de l’usage des avances (NB : minimum garanti), qui revient à nier toute valeur à la réalité du travail d’écriture. Même si l’accord transparence signé en 2017 par les organisations d’auteurs et les syndicats de producteurs permet de récupérer plus facilement ces avances, il ne permet pas de rompre avec la dimension symbolique entourant la pratique des avances, qui prive la commande faite au scénariste d’une valeur en soi. Le scénariste est ainsi contraint d’accepter, sans rémunération supplémentaire, autant de réécritures souhaitées par le producteur, car sa rémunération est conditionnée à l’acceptation de son texte et à sa diffusion. L’absence de coût spécifique à la commande est probablement une des causes des développements parfois anormalement longs, et des difficultés à maintenir une cohérence artistique forte tout au long d’un projet. Dans une industrie, où la course à l’innovation et à la créativité est lancée à toute vitesse, la France risque de se faire distancer rapidement, si elle ne met pas rapidement en place des pratiques contractuelles associées à des minimas permettant d’organiser le travail d’écriture. » »
Conditions de travail et trajectoires professionnelles des scénaristes de télévision dans l’animation française
Conditions de travail et trajectoires professionnelles des scénaristes de télévision dans l’animation française, Rapport d’étude (Septembre 2019) commandé par la SACD au Centre de Sociologie des Organisations de SciencesPo et au CNRS, réalisé par Maxime Besenval sous la direction du Professeur Gwenaële Rot
Extrait page 22 :
« Face à la réalité d’une activité dans laquelle de nombreuses parties prenantes exigent des modifications aux justifications parfois floues et contradictoires, s’enclenchent des processus de dégradation progressive de l’attachement porté aux projets face à la redondance des expériences de déni de reconnaissance de l’expertise narrative des scénaristes. Pris dans un cadre organisationnel de production d’un objet sur lequel le scénariste n’a pas l’autorité finale, beaucoup d’entre eux se voient ainsi empêchés de participer à la controverse légitime sur la qualité et l’orientation du scénario, malgré la position nodale qui est la leur. Ces situations professionnelles d’absence de débat et de critères communs sur la qualité peuvent alors finir par dévitaliser l’action. La nécessité d’apporter une contribution effective à des actes réprouvés peut en effet transformer l’activité en véritable expérience de la compromission de soi, considérée comme pathogène dans la perspective de la psychodynamique du travail ».
L’auteur et l’acte de création
L’auteur et l’acte de création, janvier 2020, rapport de Bruno Racine, avec le concours de Noël Corbin, Céline Roux et Bertrand Saint-Etienne.
Extrait page 98 :
« Il existe d’abord des avances « garanties ». Dans le secteur audiovisuel notamment, l’auteur peut percevoir un minimum garanti. L’à-valoir minimum garanti est « un acompte sur les pourcentages négociés dans le contrat, calculés sur les recettes à venir éventuellement lors de l’exploitation de l’œuvre, qui relèvent de la gestion individuelle »69. Ce minimum garanti est acquis par l’auteur définitivement et le producteur ne peut pas exercer de recours contre l’auteur pour exiger le remboursement. Une autre pratique consiste dans le versement d’une prime, qualifiée indifféremment dans les contrats de prime de commande, prime d’écriture, prime d’inédit ou exclusivité70. Cette somme est alors assimilée à un forfait rémunérant le temps passé à la création de l’œuvre ou encore l’exclusivité accordée au producteur. Dès lors, si le principe général affirmé à l’article L. 131-4 du CPI est celui d’une rémunération proportionnelle aux recettes dont le taux est libre, il est clairement contourné dans la réalité, par ce recours au minimum garanti ou à la prime qui s’analysent comme une rémunération forfaitaire. »
L’écriture scénaristique et les risques du travail
L’écriture scénaristique et les risques du travail, présentation d’une étude en cours de finalisation, commandée par la SACD au Centre de Sociologie des Organisations de SciencesPo et au CNRS, réalisée par Maxime Besenval sous la direction du Professeur Gwenaële Rot
- 40% des répondant.es affirment avoir été victimes d’épuisement professionnel lié à leur activité de scénariste (dont un quart diagnostiqué par un médecin).
- 50% des répondant.es affirment vivre des périodes d’anxiété chronique liées à leur activité de scénariste (35% diagnostiqués par un médecin).
- 41 % des répondant·es affirment avoir « déjà vécu une ou des situations de harcèlement moral » dans le cadre de leur activité de scénariste. Parmi eux, 60 % affirment avoir vécu cette situation plus d’une fois (« occasionnellement » ou « régulièrement »).
- L’anticipation de répercussions professionnelles négatives (20 % des personnes ayant vécu ces situations).
- N’avaient pas le sentiment que cela pourrait les aider (65 % des personnes ayant vécu ces situations).
- Les formes évoquées comprennent le chantage au « blacklisting » ou au paiement, les micro-agressions racistes, sexistes ou homophobes, les humiliations et comportements toxiques, la pression au débordement des cadres professionnels, etc.
Buyout contracts imposed by platforms in the cultural and creative sector
Buyout contracts imposed by platforms in the cultural and creative sector, Etude commandée par le Département politique du Parlement européen pour les droits des citoyens et les affaires constitutionnelles à la demande de la commission JURI, réalisée par Franck Macrez, Stéphanie Le Cam et Stéphanie Carre.
Extrait page 25 :